Publicité, hébergement, open-source : comment le Web est devenu dépendant des GAFA

Lundi 4 Novembre 2019

Un datacenter, contenant des centaines de serveurs. 8aac019_wP64w2P4c1PmZdx1mtacbjOL.jpg Un datacenter, contenant des centaines de serveurs. Ian Lishman/Juices Images / Photononstop / Ian Lishman/Juices Images / Photononstop

Beaucoup a été écrit sur la dépendance de l’internaute moyen aux services gratuits, performants et pratiques offerts par ceux que l’on désigne comme les « GAFA » (Google, Apple, Facebook, Amazon).

Un aspect moins connu est en revanche la dépendance d’Internet lui-même à ces très grandes entreprises privées. Car le réseau mondial a opéré sa mue industrielle et s’appuie désormais beaucoup sur les technologies et infrastructures développées par Google, Amazon et, dans une moindre mesure, Facebook et Microsoft. A tel point que des questions inédites se posent désormais sur la dépendance du Web dans son ensemble à cette poignée d’entreprises.

  • Un marché de la publicité ultra-dominé par Google et Facebook

Le marché de la publicité en ligne est très largement dominé par Google et Facebook. Le premier avec ses résultats de recherche sponsorisés, le second avec le ciblage des publicités en fonction du profil de ses utilisateurs.

Aujourd’hui, ce duopole se partage 51,3 % du marché mondial de la publicité en ligne, avec respectivement 103,73 et 67,37 milliards de dollars en 2019. Dans certaines régions du monde, la domination des deux entreprises est encore plus large, et atteint 74 % du chiffre d’affaires du secteur au Canada, ou 61 % aux Etats-Unis en 2019.

Amazon arrive en quatrième position, derrière le chinois Alibaba. L’entreprise fondée par Jeff Bezos ne représente que 4,2 % du marché, mais est en croissance rapide. Elle est devenue en 2018 le deuxième plus gros vendeur de publicité en ligne aux Etats-Unis, dépassant Microsoft et faisant légèrement reculer Google, selon l’entreprise spécialisée eMarketer.

« Les géants de la tech détiennent d’énormes quantités de données sur les consommateurs, mais de grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités, souligne Ruth Manielevitch, une experte de Taptica interrogée par Raconteur. L’industrie a besoin d’un organisme de régulation indépendant chargé de contrôler les pouvoirs des géants du Web, de réduire leurs monopoles et d’exiger davantage de transparence, ce qui renforcerait la confiance des consommateurs. »

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  • L’hébergement des sites de plus en plus centralisé

N’importe quel site Internet, même le plus sommaire, est composé de fichiers qu’il faut stocker sur un serveur (qui est simplement un ordinateur sans écran connecté à Internet) ; on dit alors que celui-ci « héberge » le site. C’est probablement cet aspect qui illustre le plus la dépendance aux géants du numérique. Il est un paramètre crucial pour la rapidité de chargement de leurs pages : plus elles seront « servies » rapidement aux internautes par les serveurs, plus le site sera performant.

L’hébergement des gros sites Internet reposait auparavant sur un nombre fixe de serveurs, qui avaient donc une capacité limitée de « service » : toute croissance significative du nombre d’utilisateurs requérait l’achat ou la location de serveurs supplémentaires pour répondre à la demande, sans quoi le site pouvait « tomber ».

Mais la croissance de l’audience des sites Internet et des applications est telle ces dix dernières années qu’il a fallu réinventer l’hébergement, devenu cher et compliqué pour de nombreuses entreprises. C’est là qu’est venu le « cloud computing », ou « informatique en nuage » : ce sont désormais les grandes entreprises du Web qui, fort de leurs infrastructures géantes, hébergent la vaste majorité des sites à forte affluence existant sur Internet. L’avantage est double : les éditeurs de site n’ont plus à s’occuper de la partie matérielle et payent l’hébergement par rapport à ce qu’ils « consomment » vraiment, tandis que les hébergeurs peuvent se concentrer sur ces corps de métiers techniques et offrir la puissance de leurs infrastructures (plusieurs millions de serveurs répartis dans le monde).

A ce petit jeu, Amazon a une bonne longueur d’avance sur ses concurrents et domine le marché mondial. Lancé tôt, en 2004, Amazon Web Services (AWS) est la solution de « cloud computing » la plus utilisée dans le monde, et possédait presque 40 % des parts du marché mondial mi-2018, selon Synergy Research Group. Un chiffre impressionnant quand on sait que AWS ne possédait que 31 % de parts de marché seulement deux ans plus tôt, selon la même source.

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En 2012, une étude menée par DeepField Networks indiquait qu’un tiers des quelques millions d’internautes étudiés visitait tous les jours un site dépendant d’AWS. Parmi les gros clients, on retrouve Netflix, Pinterest, Slack, Airbnb, The Guardian, la NASA, Adobe, Expedia, Reddit… même Apple utilise les services de l’entreprise fondée par Jeff Bezos pour ses services numériques (comme iCloud). Selon CNBC, la marque à la pomme dépense plus de 30 millions de dollars chaque mois pour ces services.

La domination d’Amazon est notable sur les sites les plus importants : dans le top 10 000 des sites ayant le plus gros trafic, Amazon détient 14,5 % des parts de marché.

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L’activité est très profitable : en 2018, AWS a représenté 11 % du chiffre d’affaires de l’entreprise, mais 59 % du résultat d’exploitation. Les concurrents directs d’Amazon, même s’ils sont loin derrière, connaissent tout de même une croissance soutenue, supérieure à celle d’AWS. Google, avec son Cloud Platform, et Microsoft avec sa solution Azure, deviennent ces dernières années des rivaux de plus en plus sérieux, avec une croissance respective de 108 % et 124 % par an en 2016. De quoi faire un peu d’ombre au leader.

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Malgré tout, la concentration inédite du marché et de l’infrastructure d’Internet entre les mains d’un nombre réduit d’entreprises fait naître de nombreuses inquiétudes sur la dépendance technologique qui se dessine vis-à-vis de ces géants.

Les deux pannes majeures qu’a connues le service de stockage d’AWS, Amazon S3, en février et septembre 2017, ont ravivé ces craintes, tant de nombreux sites sont alors tombés en même temps qu’Amazon. Selon Apica Systems, 54 des cent plus gros sites de vente en ligne des Etats-Unis ont été affectés par la panne de février 2017. « Cette concentration a des implications pour la compétition entre entreprises, mais affecte aussi la robustesse d’Internet lui-même », écrivait le magazine The Wired après la première panne.

  • « Open source » et GAFA, une dépendance mutuelle

Même s’ils comptent des armées entières de développeurs aguerris, les GAFA ont largement bâti leur technologie sur les connaissances délivrées par l’« open source », une gigantesque réserve de code informatique en accès libre et réutilisable, moyennant le respect d’une licence. Dans le monde de l’open source, on peut donc utiliser à sa guise le code mis à disposition. En contrepartie, on s’engage à partager les améliorations qu’on y apporte, afin d’en faire profiter toute la communauté.

Un principe dont ont profité Google, Apple et Facebook, mais auquel ils ont aussi largement contribué pour faire évoluer le Web et promouvoir l’innovation.

L’exemple le plus célèbre est sûrement Android, le système d’exploitation mobile de Google avec qui ce dernier s’est imposé comme l’un des principaux acteurs de l’open source. En partageant le code de ce système d’exploitation installé sur 88 % des smartphones du monde, Google et tous ceux qui se sont emparés d’Android ont massivement contribué à l’évolution du parangon de l’open source : le noyau Linux.

Moins connu mais tout aussi important a été l’invention par Google du moteur V8 qui a permis l’émergence de « node JS ». Derrière ce nom technique se cache un outil qui a révolutionné le développement d’interfaces en permettant facilement l’affichage en temps réel sur de nombreux sites et applications comme Uber, LinkedIn, ou Trello… Une solution qui est privilégiée par près de la moitié des développeurs, selon une étude réalisée par le site StackOverflow en 2018.

Apple, elle aussi, est un contributeur de l’« open source », puisque ses systèmes d’exploitation dits « propriétaires » (MacOS, iOS) sont basés sur une branche d’Unix dont est aussi issu Linux. La firme de Cupertino n’hésite d’ailleurs pas à revendiquer l’open source comme étant au « cœur » de son activité. Parmi ses projets massivement réutilisés figure le moteur WebKit installé sur des navigateurs Internet et de nombreuses interfaces systèmes.

De son côté, Facebook a été le premier à placer son architecture de données en open source. Le réseau social est aussi l’auteur de la célèbre bibliothèque « ReactJS » sur laquelle Netflix a par exemple bâti son architecture, et dont il partage le code depuis sa publication en 2013.

En revanche, si tous les géants du Web ont indéniablement su profiter des bénéfices d’un code libre, tous ne jouent pas le jeu de contribuer équitablement à cet univers. Ainsi, selon nos confrères de Numerama, Amazon est « sans doute le plus mauvais élève de l’open source ». Qualifiée d’« aspirateur à code », l’entreprise s’est bâti une mauvaise réputation en utilisant massivement le code mis à sa disposition et en n’y contribuant que très peu.

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Gary Dagorn et Maxime Ferrer



Source : https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/...